En se référant au livre « Les Tisserands » d’Abdenour Bidar et en se risquant à faire un peu de philosophie, voici quelques enseignements majeurs concernant une stratégie éditoriale réussie. Des « Tisserands », à la « Petite Poucette », une véritable révolution est en route…#heavensgate
Faire de la philosophie avant même de faire du Marketing
Lire les Tisserands, l’essai de Abdenour Bidar, c’est être frappé à la fois par la clarté et la lucidité de l’exposé concernant les transformations politiques, économiques, technologiques, organisationnelles que notre société vit aujourd’hui, mais aussi par une approche positive, remplie d’espoir, offrant des clés concrètes pour comprendre comment parvenir à passer le cap sans encombre. Aujourd’hui, relire Les Tisserands est un moyen de sortir de nos réflexes marketing habituels pour prendre du recul, réfléchir au pourquoi des modèles que nous proposons, questionner aussi le langage, la terminologie et la manière d’aborder ces problématiques.
Construire du sens, de l’enthousiasme, des histoires, qui parlent aussi bien à nos intelligences qu’à nos cœurs
– Cyril Dion, « Demain. Un nouveau monde est en marche »
Les Tisserands : réparer le tissu déchiré du monde
Certes, le constat que fait l’auteur en observant nos sociétés est sans appel : fractures sociales et culturelles, inégalités, déficit de valeurs et de sens, course à la productivité et à la surconsommation, individualisme et tribalisme, constructions de « murs de la honte », le divorce entre l’homme et la nature. Pourtant, face à cette déchirure, à ce tournant auquel nous devons faire face, s’érigent de nouvelles solidarités, des engagements sur le terrain, des redistributions de pouvoirs, « un million de révolutions tranquilles », portées par de nouveaux résistants, les Tisserands, dont l’objectif commun est de tenter de réparer le tissu déchiré du monde.
Les Tisserands seraient les artisans sur le terrain de l’action, véritables passeurs, « recréateurs », de ce que l’auteur appelle le triple lien nécessaire pour retisser, recrée, ce tissu déchiré du monde : le lien à soi (le lien intérieur), le lien à l’autre (le lien social, de solidarité et de fraternité) et le lien écologique, de symbiose avec la nature.
La petite Poucette de Michel Serres ou quand les consommateurs reprennent le pouvoir
Abdenour Bidar parle aussi d’un nouveau partage du savoir et se réfère à La Petite Poucette de Michel Serres, qui justement appartient à la grande famille des Tisserands et apporte un éclairage pertinent.
Il en est fini du temps des organisations pyramidales, quelles soient d’ailleurs religieuses, politiques ou économiques, là où le savoir détenu par les sachant, les universitaires, les experts qui font autorité, les institutions (universités, écoles, librairie, médias, bibliothèques,…) divulguent l’information, la culture, du haut vers le bas en assénant leur vérité. Internet, les réseaux sociaux, les blogs, les forums de discussion, les wiki, les tutoriels gratuits, les cours en ligne, permettent à l’individu, au consommateur, à la Petite Poucette d’accéder librement, immédiatement et gratuitement, à une somme de connaissance infinie et de la partager tout aussi librement.
Dès lors, écrit Michel Serres :
Si elle a consulté au préalable un bon site, Petite Poucette, nom de code pour l ‘étudiante, le patient, l’ouvrier, l’employée, l’administré, le voyageur, l’électrice, le sénior ou l’ado, que dis-je, l’enfant, le consommateur, bref l’anonyme de la place publique, celui qu’on nommait citoyenne ou citoyen, peut en savoir autant ou plus, sur le sujet traité, la décision à prendre, l’information annoncée, le soin de soi…qu’un maître, un directeur, un journaliste, un responsable, un grand patron, un élu, un président même.
Abdenour Bidar nous invite alors à méditer sur la Petite Poucette.
Ce qu’il faut comprendre de ce nouveau mode de transmission des savoirs est qu’il opère une redistribution des pouvoirs qui touche aussi bien :
- Le consommateur : un consom’acteur qui « décide de ses achats en fonction de ses convictions personnelles fortes, notamment l’équité de l’échange et le souci écologique »
- Le citoyen avec « la vague de l’empowerment, de la prise de responsabilité, de la démocratie participative, de l’action citoyenne, de l’autonomisation de tous »
- La vie professionnelle, « dans laquelle le maximum de pouvoir d’initiative et de décision est déplacé vers chaque employé »
Briser les portes des anciens temples, c’est d’abord prendre des décisions ensemble, gagner en autonomie, s’émanciper du pouvoir centralisé, des diktats, des discours imposés. Il n’y a plus un seul centre qui décide et une périphérie qui obéit. Chacun devient centre, chacun devient source, chacun trouve ses propres ressources de connaissance et d’action grâce à la collaboration offerte de tous les autres.
Quels enseignements en tirer pour mieux réussir votre stratégie éditoriale, comment produire et diffuser le message qui vous passionne, vous engage, vous relie ?
1/ Votre révolution digitale passe par une révolution éditoriale
Hier et encore aujourd’hui :
- Un contenu auto-centré : « mon offre, ma marque, mes produits sont les meilleurs »
- Un contenu intrusif, « top-down », il s’impose aux usagers sans qu’ils l’aient sollicité
- Un contenu uniformisé, calqué sur celui de vos concurrents, focalisé sur la vente
Dès demain :
- Un contenu pertinent et de qualité qui informe, éduque
- Un contenu personnalisé, qui répond aux besoins de votre audience, de vos publics et ouvre le dialogue
- Un contenu qui donne du sens, qui inspire, génère de l’engagement et de l’action, centré sur la responsabilité sociétale, l’éco-responsablité, la capacité à innover
2/ Et si vous laissiez vos visiteurs, prospects, adhérents, abonnés, clients, partenaires,…reprendre le pouvoir ?
Hier et encore aujourd’hui :
- Un consommateur passif qui subit le message de la marque
- Une marque qui perd en légitimité et devient inaudible par un discours standardisé
- Une stratégie qui impose aux consommateurs ses produits et services par des techniques de Push
Dès demain :
- Un consom’acteur citoyen qui reprend le pouvoir, gagne en autonomie et entame une conversation équitable avec la marque
- Une marque qui devient un média responsable, fidèle à sa cause, et tisse un lien durable avec ses publics : une entreprise « Tisserande » engagée mobilise ses lecteurs, engage aussi ses collaborateurs et fédère leurs énergies
- Une stratégie qui, en complément de campagnes « outbound », attire les consommateurs avec des contenus de qualité dans une approche « inbound »